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L'actu, la vie, passées au détergent
22 mai 2007

Abbesses-moi

La nuit aux Abbesses ressemble à une prostituée : secrète, décadente et excessive.

Rimbaud ou Verlaine, peu importe. Les contemporains de l’absinthe, la fée verte, sont montmartrois avant d’être poètes. Revendication nocturne, autour d’un verre. La rue Germain Pilon s’apparente à un bouge à ciel ouvert, où des ombres furtives seDSC00155 découpent dans la pénombre. Marlusse et Lapin, patrons du bar éponyme, jouent le jeu de la rue. Leur estaminet est aménagé tel un vieil appartement un peu sordide, éclairage indirect, ambiance calfeutrée et, dans le fond, une chambre. Un décor en carton-pâte. Fictif. Cinématographique. Adrien, habitué de la maison, reconnaît en Abbesses le « Aix-en-Provence parisien. Marseille, c’est plutôt Belleville ». La débauche est briguée, ici comme ailleurs. Michael, serveur nerveux et réactif : « Mais ici, si tu fais pas ton Trainspotting en pleine rue Lepic, t’es pas considéré !».  « Si tu décides de rentrer dans une logique festive, précise Adrien, tu le fais cor-rec-te-ment. Tu dois te démarquer. Si ce n’est pas le cas, tu fais partie de la faune nocturne sans vraiment y jouer un rôle majeur. » Le jeune homme rajuste sa chemise de lin orange, se roule une cibiche d’une main, passe l’autre dans ses longs cheveux bruns. Abbesses lui plaît, autant que la liberté qui va avec. Et sa décadence.
À l’angle de la rue Véron et André-Antoine, des odeurs d’urine s’entremêlent aux saveurs asiatiques d’un restaurant japonais. Abbesses se situe tout près, en haut des escaliers, oui, les mêmes que ceux de Melle Poulain. Jazz, lumière blanche, brouhaha de vivants. Pigalle se situe tout près, en bas de la rue, oui, celle qui sent la pisse. Boom boom, lumière rouge, brouhaha de (morts) vivants. Vision paradisiaque et infernale. Betty, blonde prostituée : « C’est Abbesses, l’enfer ! Pour moi, en tout cas. Rien à y foutre là-haut. À part y vivre, la journée. La nuit, c’est pas ce monde-là ». Mouvement rotatif du bras désignant Pigalle. Un cycliste re
DSC00145passe pour la quatrième fois dans la lumière du réverbère de Betty. Il est temps de s’éclipser, non sans avoir jeté un œil à l’intérieur de la galerie d’antiquités faisant l’angle. Ray Charles miaule ses complaintes, rythmées par le cliquetis des couverts et les bribes de phrases. Ça brille. Ça mange. Mais ça ne sent pas. « Mes pertes de sommeil, d’après mon médecin, seraient dues au stress de l’éducation », dit l’un. « Son professeur de mathématiques m’a expressément fait convoquer, alors que j’avais à peine du temps pour moi », dit l’autre. « Et l’influence de la lune ? » demande le dernier ? Le cycliste revient. Betty écarte légèrement les pans de son trench-coat noir.
En haut de la rue Houdon, Abbesses, la rue, la station, et le reste, domine le monde. C’est beau. Remonter la rue revient à descendre dans les travers de la nuit parisienne. Le bar Saint-Jean. Classical jazz. Bière. Didier Bourdon. Vite. Le Vrai Paris. Funk. Bière. Jeunette. Chauffe son shit en terrasse. Vite vite. Le Sancerre. Rock. Bière. Dragster noir zébrée de jaune. En trombe. Fumée. Vite vite vite. Cherche la chute. La devine. La perd. Virginie Despentes remonte la rue Lepic.

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